dimanche 9 juillet 2017

Retour sur l'Otium de l'Atelier Expérimental

Cette semaine, du 1er au 8 Juillet, l'Atelier Expérimental a organisé sa semaine annuelle de workshop où  clansois(es) & étudiant(e)s en art, en musique et en sciences ont pu travailler auprès de plasticiens, de scientifiques et s’interroger sur l'art, sa contemporanéité, le rapport à l'écoute et la plasticité sonore, ainsi que les corrélations avec les découvertes scientifiques.
Dans un but de transversalité des savoirs et de partages pluridisciplinaires, cette semaine était identifiée sous le nom de Otium, qui définit une variété de formes et de significations dans le champ du temps libre. Il s'agissait de développer un espace de réflexion, de développement artistique et intellectuel avec la promesse d’un détachement du quotidien.

Dans un contexte de travail ouvert aux habitants, parfois festif, dans un objectif de recherche mais aussi de sensibilisation des populations aux pratiques artistiques, cette semaine laboratoire à ouvert le débat sur l'avenir de l'art.

Lors de la création de l'association Atelier Expérimental il y a 21 ans par l'artiste plasticienne Isabelle Sordage, l'objectif était de mener des actions de sensibilisation dans le haut pays niçois, un territoire de vallées alors enclavées où l'accès à l'art et à la culture était difficile. Grâce à l'accueil d'artistes au sein de résidences à la Villa les Vallières, à la créations d'ateliers et à l'organisation de rencontres pluridisciplinaires en réseau avec les centres d'art et de recherche, l'Atelier Expérimental a créé un projet de création collective au sein du village, dans un esprit d'ouverture qui lui confère une identité particulière, hors du grand tourbillon médiatique et spectaculaire de l'art.

Aujourd'hui, avec la diffusion directe des savoirs, grâce au développement des outils de communication et de transport, l'accès à la culture et à l'art prend un tout autre visage.
Comment se positionner face aux demandes d'instances publiques qui prônent une forme d'accessibilité à l'art qui empêche tout développement en dehors des champs conformistes? Comment créer une école de pensée qui recherche une orientation au-delà des chemins généralement empruntés? Comment créer une harmonie et un dialogue entre le système artistique proposé à travers les institutions et les perspectives qu'offre une voix différente parfois radicale? Comment cette radicalité peut-elle éveiller des curiosités chez les créateurs locaux déjà implantés sur le territoire et la population? Et comment générer et garder active une implication de leur part?

Pendant 20 ans l'AE a offert aux artistes un espace de réflexion à la hauteur de la qualité des échanges proposés. Et durant ce même temps l'AE a fourni aux enseignants de pratiques artistiques les lieux et les financements possibles pour créer des ateliers dans le village. Cette fondation collective présente une véritable richesse qui menace chaque année de disparaitre. Et pour cause : sa fragilité, l'écueil d'une éphémérité qui lui confère une intensité toute particulière, mais également le manque de subventions allouées à la culture. En conséquence, la difficulté de faire perdurer des résidences et des ateliers se fait sentir et cela même avec l'aide des bénévoles et de la municipalité, qui prête les locaux nécessaires à l'accueil d'un tel dessein. C'est malheureusement le cas pour de très nombreuses petites structures artistiques. 

L'Atelier Expérimental a toujours accueilli les propositions faites par les personnes impliquées dans un processus de création personnelle. Ce fut encore le cas cette année avec l'intervention de deux clansois, Samuel Kernin et Béatrice Magnez qui ont ouvert l'Otium en proposant une scène ouverte le 1er Juillet qui faisait suite à l'exposition OEAEA. Les travaux des ateliers enfants dirigés par Laetitia Combe ont également été présentés.  L'intention ayant toujours été de favoriser les rencontres et d'ouvrir le champ des possibles afin de conclure à un objectif commun, celui de la création.

La présence même de l'Atelier Expérimental, dans l'environnement du village et son engagement auprès de sa population, est un acte de résistance même.

Comment l'art explore-t-il aujourd'hui les terrains de sa contemporanéité?


Ainsi, l'Otium a débuté avec l'exposition des ŒAEA à la Villa les Vallières, où les artistes venus en résidences successives depuis 1996 ont laissé des œuvres et de la documentation en dépôt, parfois même dans les murs de la Villa, donnant lieu au projet de construction des Œuvres d'Art Embarquées dans l'Architecture. Le concept vise à construire une annexe à la Villa les Vallières, où des œuvres d'art sont conçues au moment de l'élaboration des plans du bâtiment, parfois même générant une forme d'architecture, réinvestissant le territoire et questionnant les fonctionnalités de l'habitat.  

L'exposition est présentée jusqu'au 30 septembre 2017 à la Villa les Vallières, constituée d'études architecturales proposées par Julien Eveille, Pierre André Comte, Stéphane Vollenweide, Luc Kerléo, Ludovic Lignon, Pascale Tiraboschi, Florian Schonerstedt, Isabelle Sordage.

La semaine a été riche en interventions. La Galerie Ambulante a proposé un atelier ouvert à tous; Stephane Guglielmet et Emmanuelle Nègre, dans leur ANAGLYPHE VAN ont conçu un sténopé à l’intérieur de la galerie ambulante. Cette proposition qui sillonnait les routes à la rencontre des éléments s'est arrêtée à Clans pour devenir la chambre noire au cœur du village. 
Et tous les jours de cette semaine, l'artiste plasticien Florian Schonerstedt s'est impliqué à construire son projet d'animation expérimental, invitant les habitants à y participer.

Face à la nécessité historique de transmettre l’œuvre de Lars Fredrikson, pionnier de la pratique du son dans sa dimension plastique, Isabelle Sordage, Eléonore Back, Ludovic Lignon, Luc Kerléo et Gaël Fredrikson ont organisé une séance d'écoute et une discussion autour de son œuvre et de l'école de pensée comme héritage de celle-ci. Un patrimoine qui pousse aujourd'hui les écoles d'art à se doter d'un département son et ce pour quoi les musées ouvriront probablement des espaces dédiés au son. Des questions rendues publiques 20 années après la mort de l'artiste. 

L'importance de l'écoute dans cette sphère artistique a permis à des étudiants en musique et notamment du conservatoire national de Nice, mais également à de jeunes plasticiens, de venir travailler autour de cette notion.
La master classe de Renaud Le Dantec a fait sonner l'orgue Grinda de la collégiale pour interroger ensuite le silence. Les jeunes musiciens ont offert aux clansois un parcours musical, sonore et pictural dans les rues du village, et de chapelle en chapelle, une visite singulière du patrimoine.


Deux musiciens venus de Mongolie, Mandaakhai Daansuren, ont enrichi ce parcours associé à la dimension sonore et ont clôturé la séance d'écoute proposée par Ludovic Lignon en offrant à la population un fabuleux concert dans la chapelle des Pénitents.
Lors de ce moment particulier, différentes cultures de l'écoute se sont côtoyées, invitant à de nombreux paysages; élargissement ponctué d'une intervention impromptue du conteur africain Modibo, accompagné du musicien Djamil.


Dans la continuité des questions abordant l'écoute, l'enseignante en danse contemporaine Béatrice Mazalto, accompagnée de danseurs amateurs, a proposé une discussion sur les questions "Comment peut-on devenir de la matière danse dans l'écoute? Quels sont les différents types d'écoute? Comment l'écoute peut-elle générer la danse?". À cet effet, les créations sonores ont été réalisées par le musicien José Panchieri.


Durant cette semaine les conférences étaient ouvertes à tous. Deux scientifiques sont venus parler de leurs disciplines.
Antoine Kouchner a présenté le projet astrophysique Antarès, un  travail d'observation de l'univers par la captation de microparticules, les neutrinos. Ce projet propose une ouverture vers un travail pluridisciplinaire entre artistes et scientifiques. Dans sa proposition des OEAEA, l'artiste plasticienne Pascale Tiraboschi offre la possibilité de visualiser ce type de phénomène. De la beauté, recherchée au travers des outils scientifiques.
Jean-Marc Levy Leblond a également offert une conférence à deux voix avec Isabelle Sordage sur la liaison entre art et sciences et l'observation du réel et des changements au cours des âges effectués sur les perceptions de ce réel.
Enfin,  Isabelle Sordage et Laetitia Combe ont précisé l'évolution de ces observations à travers l'art en insistant sur l'idée de la transcendance par le caractère sacré de la nature.



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